Pour réaliser son rêve d’enfant, Jean Brice Malanda alias Palmas Yaya a embrassé le catch, un sport de divertissement qui allie, au Congo, techniques de lutte et pratiques fétichistes. A 41 ans, cette figure du catch congolais a fait de sa passion une véritable profession. Portrait.
Ouenzé, 5ème arrondissement de Brazzaville. Difficile de manquer l’adresse de cette célébrité du coin. Tout le monde connaît Palmas Yaya, le champion local de catch. Dans la cour commune de sa concession, des gamins de 2 à 5 ans s’amusent en simulant un combat de catch.
Assis dans l’un des deux canapés qui sont avec un grand lit, les seuls meubles de son studio, Palmas, teint clair, regard débonnaire, est captivé par les images d’un combat de catch américain diffusé à la télé. Son physique peu musclé, 1,78 m pour 90 kg, a tout à envier à celui des catcheurs sur l’écran.
Rêve de gosse
Dans les années 90, des cortèges de catcheurs sillonnaient les artères de la capitale congolaise, drainant dans leur sillage des centaines de gosses fascinés par ces personnages aux visages peints, et aux piercings effrayants, répondant aux pseudos de Mbwa mabe (Chien méchant en lingala), Moïse, Kaï-kaï, Edingwe, Niaou, Niaou…
Comme beaucoup d’autres enfants, Palmas est fasciné par ces lutteurs. « Dès que j’entendais la fanfare, je ne pouvais pas résister. C’était quelque chose qui m’émerveillait, une sorte d’appel. Je voulais ressembler à ces hommes, être aussi puissant. Je suivais souvent ces cortèges jusqu’à l’autre bout de la ville » confie t-il.
A 15 ans, il se lance dans le catch, suscitant le courroux de ses parents, de fervents fidèles de l’Armée du salut. « A l’époque, nous croyions que c’était malsain et démoniaque », révèle sa mère. Finalement, c’est après quelques explications que ces derniers finissent par lui accorder leur bénédiction.
« Mon père et moi, nous étions comme chien et chat. Il me battait beaucoup parce que je fuyais les cours. Quand je rentrais du catch, il m’attachait avec une corde, mais moi je me suis entêté. Je suivais ma passion, je n’étais pas très mature à l’époque » raconte t-il.
Aujourd’hui, il a toute la reconnaissance de sa famille. Sa mère raconte « Je suis vieille et ce sont mes enfants qui s’occupent de moi. Lui c’est le benjamin. Les autres exercent diverses activités professionnelles. Lui, ça été son choix et nous le respectons», confie t-elle.
Pratiques magiques
Entre fétichisme et lutte traditionnelle, le catch au Congo reste un vestige des pratiques animistes. La règle de combat autorise autant l’utilisation de prises physiques que magiques, consistant à déstabiliser son adversaire pour l’envoyer au tapis. Pour accentuer le côté mystique, les combats se déroulent souvent de nuit, à la lueur de quelques projecteurs.
C’est au stade Mbongui, haut lieu du catch congolais, à Ouenzé, que Palmas fait son initiation sous la tutelle de grand maître Serpent, une ancienne gloire du catch national, aujourd’hui disparue. Après trois ans d’entrainement intensif avec apprentissage des techniques de lutte et de pratiques fétichistes, il monte sur le ring.
Mais, avant de combattre, il est important pour tout catcheur de choisir et de tester un fétiche. « Pour moi, c’était le coup de tête. Quand je l’ai essayé, ça marchait du tonnerre… je peux même essayer sur vous » dit-il en simulant un coup de tête. Aujourd’hui, il a rajouté à sa panoplie d’autres prises magiques.
« Mes techniques sont la danse, le feu et le serpent. Au cours d’un combat, je peux déstabiliser mon adversaire rien qu’en le faisant danser, en lui envoyant du feu, ou en l’impressionnant avec mon serpent ». Son premier combat l’oppose au champion national de l’époque, Bois sacré, en 1997. Un trop gros morceau pour le novice qu’il est. Malgré sa grande motivation, il est laissé K.O sur le ring.
Après plusieurs années de perfectionnement et quelques combats, il finit par s’imposer comme champion de Brazzaville. Aujourd’hui, il a repris le relais de ses aînés en formant et encadrant d’autres jeunes adeptes du catch.
« Ne faites pas ça chez vous ! »
Quoiqu’il ait à manipuler des fétiches, Palmas est avant tout un fervent croyant, salutiste. « Quand je prends mon équipement c’est Palmas Yaya qui le met, mais après les compétitions, celui qui va à l’église c’est Jean Brice Malanda. Ce n’est plus la même personne » explique-t-il.
Pourtant, au-delà du divertissement, les conséquences de certaines pratiques seraient bien réelles, comme le rapporte Igor Ulrich Elika alias Maître Safran, catcheur partenaire de Palmas. « Ce n’est pas de l’amusement, ce sont des fétiches. Et les faits sont bien réels. Au cours d’un combat un catcheur a brûlé son adversaire mystiquement sur le ring, et ce dernier a trouvé la mort. Il faut faire très attention ».
Reste que cette discipline sportive relégué au plan de spectacle est à bout de souffle et a du mal à se relancer. «Il manque des mécènes pour organiser les combats parce qu’il faut au moins 500.000 frs cfa pour en organiser », confie-t-il avant de poursuivre quelque peu amer. « Parfois, je regrette de ne pas avoir suivi les cours à l’école comme mon père le voulait ».
Son fils, 18 ans, lui, est fier de son père, et respecte sa profession. « C’est notre fierté, c’est intéressant ce qu’il fait, mais je ne me vois pas le faire. Moi, j’aimerai être policier ou militaire ». Le catch ne faisant plus recette, la relève reste difficile à assurer.
Yaya Palmas from FSB on Vimeo.
Photos et vidéo tirées du documentaire d’Enric Bach i Adrià Monés : « Sunday in Brazzaville »