Douglas Mbiandou, patron de l’entreprise de formation et de services informatiques Objis, mise sur le numérique et les jeunes pour développer le continent. Issu de la diaspora et après une première désillusion, il a su se mettre à l’école de l’Afrique et prend l’Inde comme modèle. Il se déploie désormais dans près de 10 pays. Rencontre.
A 38 ans, Douglas Mbiandou est le cinquième enfant d’une fratrie de neuf. Né à Yaoundé au Cameroun, il a grandi en France. Marié et père de trois enfants, il est diplômé en électronique et informatique de l’ENSA de Lyon. Objis, spécialiste Java est présente en France, au Sénégal, au Congo, au Maroc et se développe dans d’autres pays du continent.
Vous êtes issu de la diaspora, qu’est-ce qui vous a amené à développer une entreprise de formation informatique en Afrique ?
Douglas Mbiandou : Avec un parcours comme le mien, né en Afrique, grandi en Europe, il se pose toujours un problème d’identité. La question de savoir qui on est vraiment, comment les autres nous perçoivent, comment renouer avec les siens ? Le projet Objis (Object in formation system) a répondu à mes préoccupations et ma vision : préparer le terrain pour que d’autres puissent rejoindre cette dynamique, contribuer à rehausser l’image de l’Afrique.
J’étais ingénieur au sein du groupe Capgemini (Capgemini est l’un des leaders mondiaux en matière de conseil et de services technologiques, ndlr) pendant 5 ans. Cela m’a permis de faire beaucoup de voyages. Et j’ai participé à des projets très intéressants à la fois humainement et techniquement.
Après avoir fait le tour des grosses boîtes en France, fort de mes 15 ans d’expérience notamment avec la stratégie de mise en ligne de contenus gratuits.Les données que j’avais recueillies indiquaient que la moitié des visiteurs de mes contenus mis en ligne venait d’Afrique.
J’avais aussi envie d’être opérateur économique et voler de mes propres ailes. Vu que j’aimais bien les relations humaines et que j’avais des compétences techniques, je me suis dit que la formation pouvait être quelque chose d’intéressant.
J’avais une envie d’Afrique assez importante. Une envie de donner au continent ce que j’avais pu capitaliser en France pour contribuer simplement à son développement. C’est comme ça que l’aventure Objis a commencé.
Comment se sont passés vos premiers pas en Afrique?
Douglas Mbiandou : Fier de mon diplôme et fort de mes cinq ans d’expérience j’ai pensé un peu naïvement que je pouvais tout changer en Afrique d’un simple coup de baguette, et que je pouvais être la réponse aux problèmes du continent. Je n’étais pas retourné en Afrique depuis 20 ans.
J’ai donc pris du temps pour prospecter. Je suis allée au Bénin, au Ghana, au Sénégal, en Tunisie pour voir cette Afrique d’aujourd’hui, sentir ses besoins. J’investissais les événements dits nouvelles technologies.
J’ai bien vite déchanté. Au bout de six mois, quand mes économies ont commencé à s’amenuiser, je suis revenu à la raison et j’ai commencé à monter une structure plus classique dans le business en France. Ce n’est que 8 ans plus tard, que je suis retourné en Afrique.
Qu’est-ce qui vous a fait retrouver le chemin de l’Afrique ?
Douglas Mbiandou : Il y a eu plusieurs phases dans le développement d’Objis. Ça a été un long processus. J’ai commencé par explorer le monde de l’entrepreneuriat en Afrique.
Après ma désillusion, j’ai dû faire des prestations en sous-traitance en tant qu’indépendant avec des centres de formations. Ensuite j’ai mis en place une stratégie pour approcher de grands clients.
J’ai donc travaillé avec HSBC, Thales, Axa… C’est à l’issue d’une commande importante de l’OCI (Office Congolais d’Informatique) du Congo-Brazzaville pour faire de la formation que je suis donc retourné en Afrique avec une volonté et une stratégie.
J’ai misé sur les ressources humaines. Les antennes Objis se créent dans les différents pays au gré des rencontres. Il y a aujourd’hui le Congo, le Sénégal et le Maroc de totalement opérationnels. Pour cette année, nous visons le Cameroun et la Côte-d’Ivoire.
Quel est, selon vous, le potentiel du numérique en Afrique?
Douglas Mbiandou : Chez Objis, nous pensons qu’en s’intéressant au numérique et en y développant des compétences, les jeunes auront une vraie qualification professionnelle. Ils pourront soit créer leurs propres entreprises – forcément plus concurrentielles face aux acteurs occidentaux – soit développer une meilleure employabilité.
Pour moi il s’agit de reproduire en Afrique le modèle indien. Cela n’a été possible en Inde que parce que la jeunesse a été formée. Il y a une nouvelle Afrique qui se développe avec les Africains plutôt que sans eux.
Mon idée est de faire en sorte que les jeunes s’investissent dans l’informatique, au vu de la forte demande et des opportunités mondiales.
En parlant de formation, c’est quoi votre spécificité ?
Douglas Mbiandou : Objis propose des formations qualifiantes plutôt qu’académiques. Le pari est de prendre n’importe quel profil avec à la clé 100% d’emploi à l’issue de la formation. Brazzaville est notre premier laboratoire. Une expérience que nous allons reproduire dans d’autres pays.
Nos processus requièrent de fortes exigences pratiques comme ces simulations, éliminatoires, d’entretien avec un expert que nous faisons venir tous les trimestres. L’ambition, je l’avoue, est celle de la réussite à travers l’excellence. Et ce sont sans doute nos anciens étudiants qui pourraient le mieux en témoigner.